Biographies des insurgés

Lieutenant-colonel Wacław Janaszek pseudonyme "Bolek"



Wacław Janaszek,
Pseudonymes: "Radomski", "Jaryna", "Boryna", "Wacek", "Bolek"
Soldat de l’Armée de l’intérieur, lieutenant-colonel


Période de 1903 à 1939

         Fils de Jozef et Genowefa née Kubicka, Wacław Piotr Janaszek naquit le 1 décembre 1903 à Radom. Son père travailla comme employé des chemins de fer nationaux. Comme dans beaucoup de familles polonaises, Waclaw fut élevé dans l’esprit patriotique, de l’amour de sa nation et de la patrie.
         L’oncle maternel de Waclaw, était évêque de Sandomierz et il fit éditer par ses propres moyens une imortante étude composée de 5 volumes d’archives et traitant de la résistance des prêtres polonais face aux autorités étrangères dans les régions occupées par la Russie et la Prusse après le démembrement du pays. Son atitude patriotique fur reconnue officiellement dans l’un des discours officiels du président Ignacy Moscicki. Un autre membre de sa famille, l’oncle paternel, chimiste de formation et révolutionnaire de 1905, participa à la préparation des actions terroristes contre les autorités tsaristes. Arrêté lors du défilé du 1er mai et emprisonné à la Citadelle de Varsovie, il décéda après sa libération à l’âge de 30 ans, suite à une tuberculose contractée en prison.


Wacław Janaszek jeune

         Il commença sa scolarité à Radom. Après le début de la I guerre mondiale, son père, en tant qu’employé des chemins de fer fut évacué en 1915 avec la famille à l’intérieur de la Russie. Wacław poursuit sa scolarité au lycée de Kiev puis à Woronez. En 1918, toute la famille retourne à Radom où Waclaw continue de fréquenter le lycée. En 1920 il rejoint le Corps des Cadets.


Le „soleil” des cadets sur les képis

         Après le recouvrement de l’indépendance par la Pologne en 1918 fut ouverte la première école militaire dans la continuation des traditions de l’Ecole des Officiers, créée à Varsovie par le roi Stanislas Auguste Poniatowski en 1765. C’était le Corps des cadets N° 1 (KK1) qui ouvrit ses portes le 30 octobre 1918 à Lobzow près de Cracovie. Ce fut à une dizaine de jours avant l’indépendance formelle du pays. En 1921, KK1 fut transféré à Lvov.




Bâtiment de KK2 à Modlin

vestibule du KK2 à Modlin

         Le 28 septembre 1919, fut créé à Modlin le Corps des cadets n° 2 (KK2), qui fut transféré avec ses élèves et le corps enseignant à Chelmno, en 1926, puis à Rawicz en 1936. Le 17 juin 1925 fut créé à Rawicz le Corps des cadets n°3 (KK3). Après le transfert en juillet 1936 du Corps n°2 à Rawicz, les Corps 2 et 3 fusionnèrent pour devenir un seul Corps appelé KK2.




Insigne de KK1

Insigne de KK2

Insigne de KK3

         Les Corps des cadets de la II République furent réputés pour leur niveau d’enseignement très élevé. C’étaient des établissements d’enseignement secondaire délivrant le baccalauréat. L’équivalent des classes furent des pelotons regroupés dans une compagnie.
         La formation militaire fut l’équivalent d’un cours unitaire des écoles de cadets ce qui autorisait les diplômés du Corps d’entrer directement en seconde année de celles-ci. Un difficile concours d’entrée fut cependant nécessaire. Le nombre de canditats dépassait habituellement de loin le nombre de places disponibles. Au total, environ 4100 élèves cadets furent formés dans les Corps des Cadets de la II République.




Les cadets en tenues traditionnelles de parade

défilé d’une compagnie de cadets

         En 1920, lorsque la Pologne fut menacée par l’agression bolchévique, les Cadets firent partie de forces qui affrontèrent l’Armée Rouge commandée par Michaił Tuchaczewski. Par ordre du Ministère des Affaires Militaires on autorisa les cadets de 17 ans et plus à rejoindre l’armée régulière. Sur 190 cadets de Modlin, 181 se trouvèrent au front de leur propre gré.
         Parmi eux se trouva également Wacław Janaszek qui, entre juillet et octobre 1920, participa aux combats aux alentours de Varsovie dans les rangs du 3e régiment d’infanterie de la Légion Académique. Pour sa participation aux combats il fut promu caporal.


Wacław Janaszek en uniforme de cadet (à gauche)

         Après le refoulement des bolchéviques le 4 octobre 1920, une nouvelle année scolaire commença à Modlin. En juin 1923, après avoir terminé l’apprentissage au Corps des Cadets N°2, Wacław Janaszek obtint son baccalauréat.


Le baccalauréat délivré par le Corps des Cadets

         En août 1923, directement après son baccalauréat, il commença un cours complémentaire à l’Ecole d’officiers cadets d’infanterie à Varsovie qu’il termina en octobre 1923 en obtenant le grade de caporal.


Photo de groupe du cours complémentaire pour cadets; Wacław Janaszek allongé, sixième à partir de la droite

         Wacław décide de se consacrer à la carrière militaire. En octobre 1923 il commence des études à l’Ecole d’officiers du génie à Varsovie. Le 4 avril 1924, il est promu au grade de caporal chef et le 27 juillet 1924 par ordre du jour 173/24 il obtint le grade de sergent.
         En plus de son intérêt pour le domaine purement technique lié à ses études, Wacław montre également des talents littéraires. Entre janvier 1923 et mai 1924 il rédige un livre - journal intitulé "La cinquième compagnie" qui est un document inestimable sur les débuts de l’existence de KK2 à Modlin. D’une manière intéressante et pleine d’humour, il raconte la vie quotidienne des cadets, parle de leurs enseignants et de la vie dans cette patrie renée de ses cendres. A ce jour, le document existe sous forme de manuscript.








Fragments du journal


         A partir de septembre 1924 il fait son service comme officier cadet dans la 1ère compagnie du VII bataillon de sapeurs à Sandomierz.
         Le 1er octobre 1925, il termine le cours de base de 2 ans à l'École d'ingénieurs des officiers avec la première place. Le 7 octobre 1925, par arrêté n° 101/25, Wacław Piotr Janaszek est nommé au grade de sous-lieutenant des sapeurs du service permanent dans le Corps du génie et des sapeurs de l'armée polonaise.
         Lors de la cérémonie de promotion, il reçoit un prix honorifique - "Le Sabre d'Or du Président".
         Dans l'entre-deux-guerres, les meilleurs élèves des écoles d'officiers de l'armée polonaise ont reçu des récompenses honorifiques du Président de la République de Pologne pour avoir obtenu la première place honorable - sabres ou épées - Sabres d'officier honoraires, appelés Les Sabres d'Or du Président.
         Cette coutume a été introduite en 1923 par le président de la République de Pologne, Stanisław Wojciechowski.
         Tout au long de l'histoire de la Deuxième République polonaise, dans les années 1923-1938, les diplômés de toutes les écoles d'officiers ont reçu un total de 123 (ou 124) sabres ou épées « d'or » en guise de récompense du Président de la République de Pologne.
         Dans l'histoire de l'École d'ingénieurs des officiers, le "Sabre d'or" de Wacław Janaszek était le deuxième sur 28 récompenses.
         Malheureusement, ce souvenir unique n’a pas survécu à la guerre.


Diplôme du Cours d’officiers du génie de 2 ans

         Sous-lieutenant Wacław Janaszek poursuit ses études et le 29 septembre 1926, il termine le cours complet de trois ans à l'École d'ingénieurs des officiers, toujours avec la première place.


Diplôme du cours complet de 3 ans de l’Ecole d’officiers du génie

         Le 30 septembre 1926, le sous-lieutenant Wacław Janaszek commence le service en tant qu’officier subalterne dans le 5e régiment de sapeurs à Cracovie-Dabie.


Les cadres du 5e régiment de sapeurs Kraków-Dębie; Wacław – premier à gauche; dernier rang.

         En 1927 il se marie avec Natalia Gozdzik à l’église St Jean de Varsovie. Le 27 aoùt de la même année, par l’ordre du jour 19/27 il est promu au grade de lieutenant des sapeurs. A partir de décembre 1927 il embrasse la fonction d’officier responsable de l’éducation dans le 5e régiment de sapeurs.
         En 1928 le lieutenant Wacław Janaszek est transféré au Bataillon école de sapeurs à Modlin (DP 9/28 p. 149).


Cours de sous-lieutenants de réserve au bataillon école de sapeurs ; Wacław – debout, 6e à partir de la gauche

         Le 10 novembre 1928 il reçoit la médaille "De la guerre 1918-1921" (ordre du jour 78/28), et le 11 décembre 1928 la médaille des "Dix ans de l’indépendance" (ordre du jour 87/28).




médaille "De la guerre 1918-1921"
   
médaille des "Dix ans de l’indépendance"

         Ses supérieurs remarquent les talents exceptionnels du jeune lieutenant. En août 1930 il est transféré au Centre de Formation des Sapeurs à Modlin où il devient, à partir du 17 octobre 1930, membre de la Commission Expérimentale. Il y reste jusqu’en 1934.


Centre de Formation des Sapeurs, Modlin 1930 - Wacław: huitième à partir de la gauche

         Le 10 décembre 1930 il reçoit la "Distinction commémorative du Centre de Formation des Sapeurs" n° 25 (ordre du jour 39/30).





Distinction commémorative du Centre de Formation des Sapeurs


         Le 12 décembre 1931 roku naît sa fille Halina. Malheureusement le mariage traverse une crise sérieuse qui se terminera par une séparation avec sa femme Natalia. Ils se séparent le 5 mai 1933 (par la décision de l’évêque aumonier) et le 5 janvier 1934 Waclaw divorce d’avec sa femme.
         Entre le 29 septembre 1934 et le 18 juin 1936, le lieutenant Wacław Janaszek est stationné à Nowy Dwor. Le 19 mars 1935 il est promu capitaine des sapeurs du service permanent.
         En 1935 il participe aux exercices militaires à Rawa Ruska.


Exercices militaires à Boratyn (1935); le capitaine Wacław Janaszek – premier à gauche.

         Entre le 8 septembre 1936 et le 9 août 1937 il est stationné dans l’unité à Baranowicze.
         Il continue à développer ses qualifications professionnelles. Il commence des études à la Grande Ecole de Génie à Varsovie qu’il termine en 1938 en obtenant le titre d’ingénieur militaire spécialisé dans les fortifications.


Exercice de tir à l’Ecole de génie

         Son titre ne fut reconnu par le Gouvernement Polonais en exil qu’en 1945 et son diplôme fut envoyé à sa famille plusieurs années après la guerre.


Diplôme d’Ingénieur militaire de l’Ecole de génie

         A partir du 18 juin 1938, après un bref séjour à Lvov, le capitaine Waclaw Janaszek est stationné à Bielany à Varsovie. Le 17 octobre 1938 il est délégué au travail à l’état-major du Groupe Opérationnel de l’Armée "Śląsk" du général Władysław Bortnowski et il participe aux opérations à Zaolzie.*


Le général Władysław Bortnowski à Zaolzie

         Puis, à la fin de 1938, il est au Bataillon des Sapeurs des Ponts à la forteresse de Modlin-Kazuń. Le 26 décembre 1938, le capitaine Wacław Janaszek contracte un nouveau mariage avec Barbara von Seydlitz. Pour des raisons formelles le mariage a lieu à l’eglise orthodoxe au quartier de Praga à Varsovie. Le divorce avec la première femme fut approuvé par l’évêque de l’église orthodoxe ce qui a permi à Waclaw de se remarier mais selon le rite orthodoxe.




La future femme Barbara

invitation au mariage

         Les jeunes mariés passent un réveillon insouciant au bal, en acueillant la nouvelle année 1939.




Les époux au bal du réveillon

une caricature de Wacek

         Au mois de juin 1939 il travaille comme officier à l’Inspection de l’Armée "Pomorze" (Pomméranie) et habite à Torun, rue Mostowa 6/9. Au moment de la campagne de septembre 1939 il est officier au commendement des sapeurs de l’état-major de l’Armée "Pomorze" du général Władysław Bortnowski.


Wacław Janaszek en uniforme de capitaine en 1938


L’occupation


         Après la défaite du général W. Bortnowski à Ilow, près de Sochaczew, Waclaw Janaszek parvient à rejoindre Varsovie par la Forêt de Kampinos et participe à la défense de la capitale. Après la capitulation, comme de nombreux autres officiers de l’Armée Polonaise il n’est pas emprisonné et à l’automne 1939 passe dans la conspiration.
         A la fin de septembre 1939, après la décision d’abandonner la lutte à Varsovie, le général Michał Tokarzewski-Karaszewicz informa un cercle fermé d’officiers de la création d’une conspiration militaire. Le Capitaine Waclaw Janaszek faisiat partie du cercle d’officiers mis dans la confidence. Une organisation secrète militaire et politique appelée Służba Zwyciestwu Polski (Service à la victoire de la Pologne) fut créée. L’une de ses premières actions devait être un attentat contre Hitler le 5 octobre 1939 lors du défilé de victoire allemand à Varsovie. L’attentat ne put avoir lieu car les Allemands interdirent aux civils l’accès à l’itinéraire du défilé.
         A la mi-octobre 1939, le général Tokarzewski informa le commendant suprême général Sikorski, de la création de SZP. Celui-ci vit d’un mauvais oeil l’idée d’une organisation politique et militaire car il craigna une trop forte influence d’officiers liés à la Sanacja**. Le SZP fut dissout et le général Tokarzewski fut écarté du commandement de la conspiration militaire au pays. Cette décision provoqua une consternation et une désorganisation au sein des cadres officiers. Une partie des officiers rejoignit d’autres organisations clandestines qui jouissaient du support du cercle politique du général Sikorski. Parmi eux il y avait le capitaine Wacław Janaszek qui rejoignit Polska Organizacja Zbrojna (Organisation Armée Polonaise).
         En novembre 1939 à Varsovie fut réactivée dans la clandestinité l’organisation de la jeunesse rurale appelée Centralny Zwiazek Mlodziezy Wiejskiej (L’Union Centrale de la Jeunesse Rurale) "Siew". Suite à la défaite de septembre une partie des activistes de l’Union en collaboration avec d’autres personnes n’appartenant pas à l’Union reprirent leur activité sous l’appelation Chłopska Organizacja Wolności "Racławice" (L’Organisation Paysanne de la Liberté « Raclawice »).
         Les officiers de service permanent et de réserve collaboraient également avec cette Organisation. Il voulurent créer sur la base de "Racławice" une organisation militaire indépendante. Elle vit le jour au printemps 1940 et prit le nom de Polska Organizacja Zbrojna (L’Organisation Armée Polonaise). Les rôles de décision dans l’Organisation militaire polonaise furent occupés excusivement par de jeunes offciers qui eurent du mal à accepter la défaite de septembre et qui furent assez critiques face aux actions des officiers supérieurs. Au cours de l’année 1940 d’autres organisations clandestines de moindre importance rejoignirent l’Organisation Armée Polonaise, parmi elles Polska Organizacja Bojowa (l’Organisation Polonaise de Combat), Wojskowa Organizacja Wolności "Znak" (l’Organisation Militaire de la Liberté « Znak »), une partie de Związek Czynu Zbrojnego (l’Union de l’Action Armée), une partie de Tajna Armia Polska (l’Armée Clandestine Polonaise), une partie de Gwardia Obrony Narodowej (Gardes de Défense Nationale), une partie d’Organizacja Wojskowa "Wilki" (Organisation Militaire « Les Loups ») et une partie de "Pobudka" (« Réveil »). Après l’intégration, la nouvelle organisation prit le nom de Polska Organizacja Zbrojna "Znak" (L’Organisation Armée Polonaise "Signe").
         Son commandant en chef était le capitaine diplômé Kazimierz Różycki. Le commandant en chef travaillait en étroite collaboration avec le capitaine diplômé Wacław Janaszek ("Jaryna", "Radomski", "Bolek" – commandant de District I Varsovie-ville de l’Organisation Armée Polonaise, le capitaine Stanisław Steczkowski ("Zagończyk") – chef d’état-major de District I, le lieutenant Józef Barcikowski ("Hart") – officier de l’armement.
         L’Organisation Armée Polonaise fut active sur tout le territoire du Gouvernement Général ***. Après l’annonce que c’est le chef suprême de l’Armée Polonaise à l’Ouest, le général W. Sikorski qui commandera l’Organisation Armée Polonaise, les volontaires qui la rejoignaient la considéraient comme l’armée polonaise clandestine. On estime que l’Organisation Armée Polonaise atteignit entre 55 et 60 mille membres.
         Le District I Varsovie-ville de l’Organisation Armée Polonaise fut créé au début de 1940. Son organisateur et commandant, le capitaine diplômé Wacław Janaszek ("Radomski", "Jaryna", "Bolek", "Wacek") fut en même temps membre du commandement suprême de l’Organisation Armée Polonaise et assuma la fonction du chef de la section Sabotage et Diversion.


Wacław Janaszek en 1940

         Le chef d’état-major fut le capitaine Stanisław Steczkowski "Zagończyk", chef du service de renseignements et de contre-espionnage – le capitaine Wacław Chojna ("Świerczyński", "Świerk", "Majewski", "Młotek", "Horodyński"). C’est ainsi que l’état-major fonctionna entre mars 1940 et décembre 1941. Les officiers de liaison étaient Barbara Janaszek "Basia" (la femme de W. Janaszek), Urszula Tynelska-Zbichorska "Ula" et Małgorzata Zakrzewska.





Demandes de distinction pour les soldats de l’Organisation Armée Polonaise


         Après la dissolution du Service à la Victoire de la Pologne en novembre 1939 fut créée l’Union de la Lutte Armée subrodonnée au gouvernement en exil. Au départ elle fonctionna comme une organisation secrète de personnel chargée de la formation des commandants des régions, des districts, des sous-districts et des sites, ainsi que des divisions spéciales. Elle compta au total environ 3.000 membres. L’élargissement des effectifs devait se faire à travers l’incorporation des membres des autres organisations militaires.
         Malgré une méfiance de la part de jeunes officiers dans un premier temps, l’Organisation Armée Polonaise lia des relations avec l’Union pour la Lutte Armée. Dans le cadre de l’Union fut créée, en avril 1940, Związek Odwetu (l’Union de représailles) devenue ensuite « Kedyw », qui mena des actions de sabotage et de diversion. Le commandant de District I Varsovie-ville de l’Organisation Armée Polonaise, le capitaine Waclaw Janaszek fut membre de l’état-major de la diversion de L’Union des Représailles au sein de l’Union pour la Lutte Armée.
         Il fut responsable de la coordination et de la collaboration tactique et opérationnelle de la lutte active.
         Au printemps de 1940, conformément aux dispositions communiquées au commandant en chef de l’Union pour la Lutte Armée, le colonel Stefan Rowecki et selon lesquelles toutes les organisations militaires secrètes devaient de se soumettre à son commandement, l’Organisation Armée Polonaise entama une collaboration avec l’Union pour la Lutte Armée.


Ordre de fusion du colonel Stefan Rowecki "Grabica"

         Au cours de la période de septembre à novembre 1942, le District I de l’Organisation Armée Polonaise fut incorporé dans l’Armée de l’Intérieur (nom que prit en février 1942 l’Union pour la Lutte Armée). Une partie des soldats de l’Organisation Armée Polonaise avait été détachée auparavant à la diversion. D’après les données de protocoles d’échange sauvegardés dans des archives secrètes de W. Janaszek, au total environ 4000 officiers, élèves-cadets, sous-officiers et simples soldats provenant de 6 quartiers et du district de Varsovie furent transférés à l’Armée de l’Intérieur. C’étaient des troupes bien formées à la conspiration, bien entraînées, et relativement bien armées.





L’un des documents de fusion de District I Varsovie-ville de l’Organisation Armée Polonaise


         Le 5 mai 1941, par ordre L. 21/BP, le capitaine diplômé Wacław Janaszek est promu au rang de major de sapeurs de l’armée. Après l’incorporation de District I de l’Organisation Armée Polonaise dans l’Armée de l’Intérieur, le major Wacław Janaszek passe définitivement chez « Kedyw » du Commendement suprême de l’Armée de l’Intérieur.
         L’organisation de « Kedyw » commença en novembre 1942. Le 22 janvier 1943 le Commandant de l’Armée de l’Intérieur, le général S. Rowecki "Grot", donna l’ordre n° 84 "Remise en ordre de la section de la lutte active". Il ordonna la création du Commandement de la Diversion « Kedyw ». « Kedyw » fut constitué de l’Union de représailles existante, "Wachlarz" (« Eventail ») et de Groupes d’Assaut de "Szare Szeregi" (les « Rangs Gris »)**** .
         Kedyw du Commandement Suprême de l’Armée de l’Intérieur avait pour but entre autres:
         - de plannifier les actions de diversion et de sabotage à l’échelle nationale,
         - de diriger les opérations des Unités de Disposition de « Kedyw » du CG de l’Armée de l’Intérieur,
         - l’étude des méthodes et des moyens d’organiser des actions de diversion, de sabotage et de maquisards, préparation et distribution de directives et d’instructions,
         - la formation de commandants des équipes et de patrouilles de diversion et des instructeurs techniques,
         - la production centrale de moyens de lutte par sabotage et diversion.
         A la tête de « Kedyw » du CG de l’Armée de l’Intérieur se tint son Commandant qui coordonnait l’ensemble de la lutte de l’Armée de l’Intérieur et qui dépendait directement du commandant suprême de l’Armée de l’Intérieur.
         Entre l’automne 1942 et février 1944, le chef de « Kedyw » fut le colonel diplômé August Emil Fieldorf "Nil".
         A partir du 1er février 1944, le lieutenant-colonel Jan Mazurkiewicz ("Sęp", "Zagłoba", "Radosław") fut appelé au poste de commandant de « Kedyw ».
         Entre le moment de sa création et septembre 1943, le commandant adjoint fut le sous-lieutenant Franciszek Niepokólczycki "Teodor", puis, jusqu’au 1er fevrier 1944 le lieutenant-colonel Jan Mazurkiewicz avant de d’embrasser lui-même la position du commandant de « Kedyw ».
         Durant tout ce temps, c’est le major diplômé Waclaw Janaszek "Bolek" qui assure le rôle du chef d’état-major de « Kedyw » de l’Armée de l’Intérieur.
         En analysant l’activité clandestine du major diplômé Wacław Janaszek il faut tenir compte des circonstances. Officier de carrière, ayant vécu avant la guerre dans des logements de fonction, menant une vie paisible et prospère, ayant à son service un planton, se retrouve soudain dans des conditions complétement nouvelles pour lui – entre les changements incessants, l’insécurité du lendemain, l’improvisation liée aux besoins du moment et la menace continue. Les locaux de conspiration successifs où il logeait avec sa femme et sa fille furent situés rues Siennicka, Kazimierzowska, Staszica et enfin Stalowa. Différents noms d’emprunt: Wacław Seydlitz (le nom de jeune-fille de sa femme Barbara), Franciszek Łyżniak, Wacław Wolski. Pour chacun de ces noms il possède de faux papiers d’identité et des certificats de travail, des actes de naîssance réalisés par des cellules de légalisation de l’Organisation Armée Polonaise et ensuite par l’Armée de l’Intérieur. Il utilise aussi successivement différents pseudonymes de conspiration: "Radomski", "Jaryna", "Boryna", "Wacek", Bolek".





Les faux papiers de Wacek au nom de Franciszek Łyżniak


         Depuis le début de l’occupation jusqu’au printemps 1940, il est hébergé chez la famille de son épouse, les Garleys, rue Siennicka 9 dans le quartier de Grochow. Il entraîne ses hôtes (2 soeurs et un frère) dans l’activité secrète au sein de l’Organisation Armée Polonaise. En avril 1940, il loue une chambre rue Kazimierzowska 69 dans le quartier de Mokotow, chez M. Stefan Essmanowski, un professeur du lycée Adam Mickiewicz. La famille Janaszek y est officiellement enregistrée comme une fraterie Seydlitz: deux soeurs et un frère.


La famille Janaszek ; de droite à gauche: Wacek, sa fille Halina et sa femme Barbara

         Chez M. Et Mme Essmanowski, le capitaine diplômé des sapeurs Wacław Janaszek fait la connaissance de officier cadet Michał Wojewódzki, l’auteur du livre "Dans les imprimeries secrètes de Varsovie 1939-1945", dont M. Essmanowski fut le professeur proncipal au lycée. Michał Wojewódzki, pseudonyme "Andrzej", par la suite dirigeant d’une imprimerie clandestine, participa à la défense de Varsovie dans les rangs du 21 régiment d’infanterie de Varsovie. Comme ils se lièrent d’amitié, Wacek lui propose de rejoindre l’organisation militaire secrète. C’est ainsi que Michał Wojewódzki devint membre de l’Organisation Armée Polonaise.


Chez M et Mme Essmanowski; de droite à gauche le professeur Stefan Essmanowski, Hania Janaszkówna, Barbara Janaszek, première à gauche: la mère de prof. Essmanowski tenant un exemplaire de "Dans les imprimeries secrètes de Varsovie " de M. Wojewódzki

         Wacek, agissant sous son pseudonyme "Jaryna", reçut le sermon suivant de la part de M. Wojewodzki: "Conscient de la responsabilité du sort de na nation et de l’Etat polonais, je rejoins l’Organisation Armée Polonaise. Je jure de garder le secret de l’organisation, d’exécuter conscienscieusement les ordres de mes supérieurs et les tâches qui me seront assignées, en cas de nécessité être fidèle à mon serment même au prix de ma vie. Que Dieu m’y aide".
         Les premières tâches de Michal consistèrent à former de jeunes gens du quartier de Żoliborz (où stationnait le 21e régiment d’infanterie "Enfants de Varsovie") au maniement des armes à feu. Pendant tout ce temps, Wojewódzki pensait à travailler dans une imprimerie clandestine. En hiver 1940, il se confia à Wacek Janaszek. Ce dernier, sachant que Michal parlait bien allemand, lui proposa de préparer de courts textes à caractère militaire, tirés de la presse allemande. Ils furent ensuite édités dans un bi-hébdomadaire clandestin "Soldat Polonais".
         En plus de diriger le District I Varsovie-ville de l’Organisation Armée Polonaise et de son activité au sein de l’Union de Représailles de l’Union pour la Lutte Armée, le capitaine Wacław Janaszek fut également le rédacteur en chef de "Soldat Polonais", qu’il créa en février 1941. C’était le magazine de l’Organisation Armée Polonaise à caractère technique, contenant les descriptifs de différents types d’armement et leurs modes d’emploi. On y trouvait également des articles traitant de la situation politique aux différents stades de la guerre. Au départ, le magazine, tiré à 12.000 exemplaires, paraissait une fois tous les 15 jours. Il fut distribué par un réseau de distribution. Après l’incorporation de l’Organisation Armée Polonaise dans l’Union pour la Lutte Armée, c’est Michal Wojewodzki qui reprit la rédaction de «Soldat Polonais ». Paraissant dorénavant chaque mois, le magazine devint l’un des organes de l’Armée de l’Intérieur.
         Un jour de fevrier 1941, Wacław Janaszek rencontra rue Nowy Swiat un ami, ancien officier de carrière. De façon assez insistante il essaya de se rapprocher de lui, il mentionna de manière voilée l’activité clandestine, l’interrogea sur leurs anciens amis. Après s’être par la suite renseigné sur cet homme, il apprit qu’il valait mieux ne pas le contacter car il était suspecté de collaboration avec les Allemands. Par précaution, le capitaine Janaszek quitta le logement chez M et Mme Essmanowski et changa de nom. Il s’appelle maintenant Wacław Wolski, Barbara redevient officiellement son épouse et Halina sa fille. Pendant un bref moment ils habitent dans les locaux d’une savonnerie rue Staszica puis ils déménagent au quartier de Praga dans un appartement rue Stalowa 47. Plusieurs années après la guerre, les vieux locataires de l’immeuble se souvinrent de la femme de Waclaw Janaszek sous le nom de Mme Wolska.
         Ainsi se suivent les jours de l’occupation dans la menace permanente. En janvier 1943, le chef d’état-major de « Kedyw » du Commandement général de l’Armée de l’Intérieur, le major diplômé Wacław Janaszek "Bolek" est arrêté par la police allemande. Il passe 10 jours au siège de la Kriminal Polizei (Kripo) à l’angle de Aleje Ujazdowskie et rue Koszykowa. Par chance, les Allemands n’ont aucune idée qui ils ont arrêté. Entre temps, l’Organisation met en oeuvre tous les moyens pour faire libérer Wacław Janaszek des mains de la Kripo. Le commandant adjoint de « Kedyw » du Commandement Général de l’Armée de l’Intérieur, le lieutenant colonel Franciszek Niepokólczycki "Teodor", participe personnellement à l’opération qui se termine par un succès. Wacek est à nouveau libre.
         Au début de 1943, un petit rayon égaie la vie difficile de "Bolek". Le 11 février 1943 naît le très attendu fils Maciej.





La seule photo de Wacek avec son fils Maciek


         La vie quotidienne de la famille dans la clandestinité est toutefois bien compliquée. Le père porte sur ses épaules un grand poids lié à ses fonctions. Même s’il voit passer d’importants fonds pour l’Organisation, les conditions de vie de la famille de quatre personnes restent difficiles. Parfois, aux dépens de sa propre famille, le major Janaszek destine une partie de sa rémunération à aider les veuves de ses compagnons d’armes tués ou aux familles des membres de la conspiration emprisonnés par les Allemands.
Pratiquement toute la famille participe à l’activité clandestine. La femme est officier de liaison, la fille de 12 ans transporte souvent d’un bout à l’autre de Varsovie des dossiers secrets caché dans des boîtes de „Sidol” à fond amovible. Même dans le landau du bébé de quelques mois on transporte parfois des papiers illégaux, des armes ou des grenades.


Les conspirateurs en promenade

         Le petit appartement de Praga est tel un tonneau de dynamite. Tous les meubles qu’on put y caser, commandés chez un menuisier mis dans le complot, comportent des cachettes. Il y a donc un canapé avec une cachette incorporée, une table de toilette à triple fond, une chaise dans les pieds de laquelle il y a des ouvertures dissimulées par des caches en caoutchouc. Dans le vaisselier de cuisine et dans le meuble de la salle de bain il y a également quelques cachettes réalisées par le menuisier. Toutes ces cachettes sont remplies d’armes, de grenades, de journaux, de codes secrets, de messages codés, de diagrammes et de cartes. Ces cachettes serviront même après la guerre. C’est grâce à elles que les archives clandestines de « Bolek” échappèrent à plusieurs reprises aux mains des services de sécurité.
         Le père emmène parfois sa fille Halina en „balades dans la nature”. La fillette emmène une grande poupée. Durant les balades, le père observe les rails des chemins de fer et les transports militaires allemands qui y transitent. Ensuite il fait des notes qu’il cache à l’intérieur de la poupée. La fille accompagne le père aussi lors des sorties près du mur du ghetto de Varsovie. En avril 1943, le major Janaszek évalue la situation derrière le mur du ghetto lors de l’insurrection pour trouver le moyen de faire passer des armes aux combattants juifs. Plusieurs tentatives furent entreprises pour passer les armes et pour faire sortir du ghetto des groupes de soldats juifs. Ceci n’eut malheureusement pas d’impact sur l’issue finale de l’insurrection du ghetto.
         Durant ces temps meurtriers, ce combattant acharné de l’indépendance essaie de trouver un peu de temps pour ses enfants qu’il aime profondément et pour qui, malgré toute sa bonne volonté, il n’a pas assez de temps. Pour son petit garçon, il achète une belle édition des „Contes de mille et une nuit”, des livres de découverte de la maison d’édition « Godziny wiekow » (Heures de siècles) de Lvov, "Le monde des choses grandes et petites", "Les frères du monde entier", "De la table de multiplication au différentiel", "Lilavati" et "Sur les traces de Pythagore" édités par la maison d’édition de St Adalbert. Ces livres, entre autres, rescapés de la tempête de la guerre, seront à l’origine des passions et centres d’intérêt de son fils, dont un amour profond pour les belles-lettres. Dans les moments libres, il lit à sa fille les grands classiques de la littérature polonaise comme les oeuvres de Sienkiewicz, il lui apprend à aimer Prus, Orzeszkowa, Reymont, Konopnicka, Asnyk. Sur le sapin à Noel 1943 on peut admirer de magnifiques décorations réalisées entièrement par le major Janaszek, le chef d’état-major du Commandement de la diversion.
         Ses efforts ne furent pas vains. Après bien des années, sa fille Halina devint professeur d’études slaves à l’Université de Varsovie et son fils Maciej obtint le diplôme d’ingénieur en électronique à l’Ecole Polytechnique de Varsovie.
         Entre 1943 et 1944, les unités de Kedyw menèrent quelques actions spectaculaires à Varsovie. De nombreux bourreaux de la gestapo dans Aleja Szucha furent exécutés, de même que des fonctionnaires de la prison de Pawiak et Gesiowka. Durant l’action près de l’Arsenal, on récupéra Janek Bytnar "Rudy", on mena également une action de repression à Wilanow contre les « volksdeutsch » (les colons allemands). Le 1 février 1944, le général Brigadeführer-SS Franz Kutcher, commandant SS et de la police à Varsovie, directement responsable de l’escalation des exécutions massives des Polonais, fut tué dans un attentat de rue. Toutes ces actions furent coordonnées par le Commandement de Kedyw. Les seuls à avoir le droit de signature des documents sortants furent : le colonel diplômé August Emil Fieldorf "Nil", le lieutenant colonel Jan Mazurkiewicz "Radosław" et le major diplômé Wacław Janaszek "Bolek". Tous les fils des attentats menaient à l’état-major de Kedyw. Par exemple le fameux attentat contre Kutscher, préparé avec la minutie qui lui était propre avoisinant même le pedentisme car chaque détail fut d’une grande importance et une quelconque omission dans les prédictions et les calculs pouvait couter la vie à de nombreux compagnons d’armes.

L’Insurrection


         Ce fut la veille d’août 1944. En tant qu’officier d’état-major admis dans tous les secrets, "Bolek" comprenait parfaitement les capacités militaires des divisions d’insurgés de Varsovie ainsi que la réalité politique. Il était convaincu que l’insurrection qui se profila à l’horizon n’avait aucune chance de succès sans l’appui de l’Armée Rouge. En même temps, connaissant le sort des unités de l’Arméee de l’Intérieur qui libérèrent Vilnus sur les terrains contrôlés par les Russes, il n’eut aucune illusion sur les intentions de Staline.
         La femme et la fille gardèrent en mémoire le moment des adieux avant l’insurrection. En disant au-revoir à sa famille au moment de partir à la réunion à l’heure „W”, il fit part de ses craintes à sa famille.
         - L’insurrection de Varsovie – dit il en mettant son sac à dos contenant quelques vêtements, une gamelle et des biscuits secs – rejoindra la série des fiascos. Le meilleur de sa jeunesse y sera saigné à blanc et tous les profits en iront aux vautours de la politique.
         - Alors n’y va pas – dit la femme désespérée. – Reste avec nous à Praga. Tu trouveras bien une excuse.
         - Je suis un soldat - répondit Wacław. – Mon devoir est d’exécuter les ordres, sinon je ne serai qu’un traître et un déserteur et je mériterai une balle dans la tête.
         Malgré son expérience et sa connaîssance de la réalité politique et militaire qui lui interdisaient de croire au succès du soulevement, Wacek n’imagina pas ne pas être en ces jours avec ses compagnons d’armes, souvent bien plus jeunes que lui, de ne pas les épauler de son expérience. Il partit combattre non pas sur un élan de jeunesse ou par foi naive en la victoire, mais par sens du devoir profondément encré, par sentiment de responsabilité envers son pays, sa capitale et ses soldats. Il appartenait à la génération de gens qui faisaient « ce qu’il fallait faire ».
         Le groupement "Radosław", dont le major Wacław Piotr Janaszek "Bolek" était chef d’état-major, était composé de bataillons d’élite de « Kedyw »: "Czata 49", "Miotła" (« le balai »), "Parasol", "Pięść" (le poing) et "Zośka", de la compagnie « Topolnicki », de la section de diversion de femmes "Dysk" et d’une compagnie de « Kedyw » "Kolegium A". Au début de l’Insurrection, le groupement compta environ 2.300 soldats. A la fin de l’itinéraire des insurgés combattants menant du quartier de Wola par la vieille ville, l’enclave de Czerniakow, le Mokotow et le centre ville, il ne compta plus que 230 soldats. Les pertes atteignirent donc environ 90% des effectifs d’origine.
         Le 1er août 1944 à 12h00, dans l’appartement rue Krucza 42 dans le centre ville, se tint le briefing du Commandement du groupement "Radosław". Participèrent au briefing : le commandant du groupement lieutenant colonel "Radosław" (Jan Mazurkiewicz), le chef d’état-major, le major "Bolek" (Wacław Janaszek), le chef du département sanitaire, le major "Skiba" (Cyprian Sadowski), le chef de liaison capitaine "Horodyński" (Wacław Hojna), le commandant de la brigade Broda 53 capitaine "Jan" (Jan Kajus Andrzejewski), le commandant du bataillon "Parasol" capitaine "Pług" (Adam Borys), le commandant du bataillon "Miotła" le capitaine "Niebora" (Władysław Mazurkiewicz), le commandant de la division de blindage sous-lieutenant "Tatar" (Franciszek Jurecki), commandant d’arrière-garde capitaine "Sawa" (Mieczysław Kurkowski) et l’intendant, lieutenant "Szczesny" (Nowosielski). On annonca au briefing l’heure ‘K’ (pour « koncentracja » – concentration) et l’heure W (pour « wybuch » – explosion, éclatement). Après avoir éclairci quelques doutes, le briefing se termina à 12h25. Ensuite, tous retrouvèrent leurs unités pour donner les derniers ordres.
         Après reconnaissance préalable, comme lieu de rassemblement du Commandement avant l’heure « K », on choisit la maison rue Okopowa 16/17. C’est là bas qu’on définit les principes de liaison avec le Commandement Suprême concernant dr "Przemysława" (Zofia Maternowska) et l’officier de liaison "Małgorzata" (inconnue). A 16h00 arrivèrent sur le lieu de concentration du Commandement du Groupement, à l’angle de rues Okopowa 41 et Mireckiego, le lieutenant-colonel "Radosław", le major "Bolek", le major "Igor" (chef des sapeurs), le capitaine "Horodyński", sous-lieutenant "Tatar" et le chef de production et d’approvisionnement clandestin le sous-lieutenant "Rębisz" (Franciszek Hamankiewicz). Le lieu de séjour du Commandement fut choisi de facon à se trouver au coeur de la disposition des unités de combat et en même temps près de la rue principale du quartier. Dans son voisinage direct, rue Okopowa 35, fut située la logistique.
         Au départ, le lieu de séjour du siège de l’Armée de l’Intérieur lors de l’Insurrection devait se trouver à Mokotow-sud (rue Chylicka) pour des raisons de proximité de la station de radio et de l’aéroport. Non loin de là devaient se concentrer le régiment „Baszta” et le groupement "Radosław" dépendant du Commandement Général de l’Armée de l’Intérieur, au total environ 4.500 soldats. C’étaient les unités les mieux armées et en plus, dans le cas de "Radosław", les plus expérimentées au combat. Ils constituèrent une arrière-garde forte pouvant influencer l’issue des combats à Varsovie.
         Au dernier moment, probablement le 29 juillet, on décida d’installer le siège de l’Armée de l’Intérieur avec le général Bor-Komorowski dans l’usine Kamler rue Dzielna et la logistique dans l’immeuble du tribunal à Leszno. En même temps, le chef de l’Insurrection, le colonel "Monter" (Antoni Chruściel) demanda à ce que le régiment "Baszta" demeure à Mokotow. Ceci entraîna une réorganisation de la liaison et le changement d’ordres pour les unités. L’arrière-garde du Commandement Général fut divisé en deux et en plus le groupement "Radosław" n’eut pas le temps de préparer les nouvelles assignations. Ce qui eut un impact important et négatif sur le déroulement de l’Insurrection. La confusion fut d’autant plus importante que l’ordre de concentration donné par le colonel « Monter » fut d’abord pour le 27 juillet puis annulé. Le nouvel ordre communiqué le 31 juillet à 19h00 et ordonnant une nouvelle mobilisation et le début de l’insurrection le 1er aout à 17h00 fut donné dans la précipitation et des conditions différentes en surprenant la plupart des commandants. Dans la première phase de l’Insurrection, la majorité des unités n’atteignit pas le nombre prévu, on ne put non plus sortir une partie des armes des entrepôts clanestins.
         Les unités du groupement furent disposées comme suit:
         "Broda 53" – usine Telefunken rue Mireckiego, cimetière juif et stade "Skra"
         "Parasol" – cimetière luthérien et cimetière calviniste
         "Miotła" – croisement des rue Wolność et Nowolipie, Nowolipki 92 près de la rue Zielna vis à vis du bâtiment du Monopole des Tabacs
         "Czata 49" – cimetière luthérien et calviniste – chapelle et la maison du fossoyeur; Les autres arrière-gardes rue Karolkowa en face du cimetière calviniste
         A 17h00, les unités de "Radosław" donnèrent l’assaut rue Okopowa. Le bataillon "Zośka" prit les casernes dans le bâtiment de l’école rue Ste Kinga en prenant des prisonniers et en récupérant une importante quantité d’armes. Ils se déployèrent également à l’usine de Pfeifer et le cimetière juif. Les pelotons des bataillons "Zośka", "Parasol" et "Miotła" regroupés aidèrent le Commendement Général rue Dzielna en obligeant les Allemands à battre en retraite. Le bataillon "Pięść" se déploya dans le cimetière calviniste. "Miotła" ferma la rue Okopowa à sa jonction avec Żytnia. Non loin se situa "Czata". Une unité de "Kolegium A" prit les grands entrepôts de nourriture et d’uniformes à Stawki. On prit également contrôle de l’école rue Niska en libérant une centaine de Juifs hongrois. Tard dans la soirée, le major "Bolek" avec "Skała", à l’aide de l’agent de liaison "Jaga", tracèrent un itinéraire de liaison sécurisé avec la Commandement Général à travers les toits, les arbres et entre les cheminées. On ne pouvait utiliser rue Dzielna à cause d’un fort feu ennemi. Dans la nuit, les soldats de "Miotły" prirent l’usine du Monopole des Tabacs rue Dzielna. La 2e compagnie de "Zośka" contrôla une partie du camp de travail à Gesiowka entre rue Gesia et Gliniana avec deux miradors du côté de la rue Okopowa.


L’inspection du groupement "Radosław" dans le quartier de Wola par le Commandant de l’Armée de l’Intérieur; à partir de la gauche : major Wacław Janaszek "Bolek", général Tadeusz Komorowski "Bór", lieutenant-colonel Jan Mazurkiewicz "Radosław", Józef Krzyczkowski "Szymon" (l’adjudant de "Bor")

         Le 2 août, plusieurs chars entrèrent dans la rue Okopowa du côté de la rue Powązkowska. Pendant les combats les soldats du bataillon "Zośka" prennent 2 chars qui sont ensuite introduits dans les combats du côté des insurgés. Un peloton blindé est créé sous le commandement du lieutenant "Brzoza" (Wacław Micuta). Dans tout le quartier les combats font rage. L’unité "Sosna" tente de prendre l’école située à l’angle de Żelazna et de Leszno. Lieutenant colonel "Radosław" engage "Miotła" dans les combats et pour mettre au point la collaboration il envoie le major "Bolek".


La "Panthère" allemande prise par les soldats du bataillon "Zośka"

         Le 3 et 4 août les combats se poursuivent, toujours aussi violents. Le 4 août à 14h00 on prépare un assaut sur un puissant groupe de police sur le terrain du ghetto. Les bataillons "Miotła" et "Zośka", avec l’aide des chars et celle des unités „Gustaw” et „Ostoja” au sud du côté de Leszno et de rue Zelazna. Ils sont commandés par le major "Bolek". Ils sont arrêtés par les raids allemands. Ils doivent reprendre à 17h00 après l’ « activation » par le major "Bolek" des unités du capitaine "Sosna". Après les premiers succès, l’assaut se solde par un échec face à l’absence de collaboration du côté de Leszno.
         Suite à l’information sur la percée de l’ennemi à l’ouest de Wola, il devient important de nettoyer le ghetto des Allemands. Le groupement "Radosław" essuye de lourdes pertes. L’hôpital de campagne de Karol et Maria est rempli de blessés. Le 5 août une forte offensive allemande commence à l’ouest dans les rues Wolska, Górczewska, Żytnia et Długosza. Au prix de lourdes pertes il est arrêté. A 17h00 major "Bolek" mena une contre-attaque latérale en direction de rue Wolska à l’aide d’une partie des unités "Pięśc", "Parasol", "Czata" et "Zośka". Après un premier succès, la contre-attaque fut étouffée par un fort feu ennemi après des combats de plusieurs heures les unités durent se replier sur leurs positions de départ. Entre temps, le bataillon "Zośka", avec l’aide des chars prit le camp de Gęsiówka, en libérant plusieurs centaines de Juifs qui y furent détenus. Les Allemands qui survécurent se replièrent à Pawiak. La prise de Gęsiówka permit au groupement "Radosław" de rejoindre la vieille ville.
         La défaite du quartier de Wola est sonnée. Un fragment du rapport de situation du major "Bolek" du 8 août à 10h00 illustre bien la situation:
         "Le personnel ennemi de l’hôpital ste Sophie (angle de Zytnia et de Zelazna), après le bombardement par l’aviation, se déplaça dans le bâtiment 103, en sortant un drapeau avec la croix gammée. Depuis 23h jusqu’à 4h les postes délégués attendirent en vain des largages. A 3h, la section nord mena une action contre un train blindé ennemi sur la ligne de chemin de fer périphérique dans le but de le détruire. L’action se solda par un échec – nous perdîmes 6 morts, 2 blessés et 2 mitrailleuses légères. On dut constater que la ligne périphérique fut sécurisée à cet endroit par une ligne continue de posts équipés d’armes automatiques et de canons. La nuit fut calme.
         A partir de 6h00 commencèrent des attaques sur nos barricades à l’angle des rues Żytnia et Karolkowa et de Żytna et Okopowa. Jusqu’à 9h00 nous repoussâmes 4 attaques (dont 3 dans la rue Karolkowa). L’ennemi perdit 14 hommes. Rue Karolkowa, l’infanterie en retraite emmena avec et derrière elle des civils comme bouclier humain. Le cimetière calviniste, occupant une surface très réduite et fortement bombardé, n’est contrôlé par personne. Nous l’observons et patrouillons. La défense du cimetière luthérien est basée sur de petites unités de combat opérant par embuscades. Le commandant de la zone contrôle l’arrière-garde. A 7h50 on observa 5 véhicules blindés ennemis avançant vers "Naftusia" à l’extérieur de la ligne périphérique, en direction de la rue Górczewska. A 9h00 – l’ennemi élargit la zone de pression à l’ouest. En plus du cimetière luthérien il commence à contrôler les immeubles dans la rue Sołtyka en face du cimetière juif. Notre barricade subit un important feu de mitraillettes.
         L’ordre d’observation de l’itinéraire entre rue Wolska et Chłodna ne donna pas de résultat à cause des incendies et du contrôle par l’ennemi de la ligne de Leszno. D’après les relations des passants, de petits groupes ennemis se déplacent à l’ouest. Au vu de l’état catastrophique des munitions, l’ordre d’élargir la zone de contrôle vers Leszno et la rue Wolska et d’y construire une barricade n’est pas réalisable. Je devrais utiliser pour cela la moitié des munitions dont je dispose en en privant les tireurs de la première ligne. Ceci pourrait finir en catastrophe car en cas d’une percée ennemie je ne disposerais plus de réserve de feu d’intervention. Si on gêne l’évacuation de l’ennemi dans cette zone, l’ennemi sera obligé de concentrer tous ses efforts pour briser mon groupe, ce que je ne peux pas laisser faire.
         Le moral dans les unités d’une manière générale est pessimiste, beaucoup d’amertume suite au manque de moyens de lutte qui dure depuis déjà 8 jours. Nous combattons sans aucun support, aussi bien de la part de notre logistique que de la part des Alliés. La situation présente nous met face à un gros problème : que faire des soldats lorsque les réserves de munitions seront complètement épuisées, ce qui va arriver inévitablement au cours de la journée de demain.
         L’autre problème est la question de la population civile qui, jusqu’à maintenant, malgré des conditions difficiles, profitait de la couverture de l’armée. Je trouve scandaleux que personne de la représentation du Gouvernement ne se présenta sur le terrain des combats à ce jour pour s’occuper du sort des civils. Les soldats le voient et le commentent. Je ne sais pas quelle est la situation dans la vieille ville mais je constate qu’une unité d’environ 200 personnes, commandée par un certain « Wilnianin » est arrivée de là bas sur mon terrain (rue Gęsia) ce qui me fait penser qu’il doit y régner l’incertitude et la dépression. Sur mon poste avancé, où, suite à l’enchaînement des évènements je dois répondre du sort de milliers de civils et de soldats, je dois avoir une connaissance la plus précise possible de la situation générale..."



Le rapport de major "Bolek" du 8 août 1944, 10h00

         Sur les terrains conquis, les Allemands procèdent à un massacre de la population civile sans précédent, en assassinant plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les soldats du groupement "Radosław" dans leur lutte sont repoussés continuellement vers Stawki et la vieille ville. On lutte pour maintenir la rue Okopowa et les cimetières. Le 11 août, le bataillon "Miotła" repousse l’assaut allemand près de la place Parysowski et aux portes des entrepôts à Stawki. Au cours d’un combat direct, sous le feu meurtrier d’armes automatiques, le capitaine "Niebora" (frère de "Radosław") est tué et "Radosław" lui-même est grièvement blessé. Le bataillon "Miotła" perd près de la moitié de ses effectifs, de nombreux officiers sont tués. Le commandement du groupement "Radosław" est transmis à 11h15 au major "Bolek".
         Son rapport de 12h20:
         "La situation dans l’aile nord de notre zone est maintenant sous contrôle. Le terrain de Stawki est à nous. Nous nous déployons rue Szczęśliwa, place Parysowski, à l’angle des rues Okopowa et Powązkowska. A l’école rue Ste Kinga et à côté de l’usine de Pfeifer, d‘importants tirs de mortiers et de l’artillerie (chars dans la zone de Powazki). Pour le moment aucune attaque du côté ouest ne réussit. Suite à de lourdes pertes dans le corps officiers je procède à une réorganisation du commandement. Je veux maintenir toute la zone sous contrôle aujourd’hui. Etat du lieutenant-colonel Radosław : sa vie n’est pas en danger. Je le fais evacuer à l’hôpital St Jeand de Dieu. Dans l’unité « Miotła” le commandant capitaine Niebora ainsi que deux officiers furent tués. Je vous demande instamment des munitions. Surtout pour mortier 81 mm (stukas).

Cdt du groupement Radosław
Bolek mjr"





Rapport du major "Bolek" du 11 août 1944 à 19h00


         En maintenant les Allemands en alerte, les unités du groupement se retirent vers la vieille ville. Le Commandement Général de l’Armée de l’Intérieur est transféré au palais des Krasiński rue Dluga 7. Les unités de "Radosław", décimées et à bout de force, se déploient sur les lignes de défense de la vieille ville du cote sud-ouest.









Rapports du major "Bolek" du 12 août 1944


         Après le 13 août le groupement commandé par le major "Bolek" se déploie dans le pâté de maisons entre les rues Żoliborska, Pokorna, Muranowska, Przebieg et Bonifraterska. 659 soldats réussirent à passer de Wola vers la vieille ville, dont 56 officiers. Le commandement du groupement stationna d’abord rue Muranowska 4 et Przebieg 2, puis fut transféré rue Mławska 5.
         Pendant tout ce temps de violentes attaques ennemies sont refoulées du côté du fort de Traugutt, de la gare de Gdansk et de Stawki. Le 14 août le major "Bolek" lance un assaut avec les arrière-gardes en repoussant l’ennemi vers Stawki, au prix de certaines pertes. Le groupement essuie de nouvelles pertes (tués et blessés). L’ennemi fait une pression constante et puissante sur la vieille ville. Le 15 août, le lieutenant colonel "Radosław" fait une demande de promotion au grade de lieutenant-colonel pour le major Wacław Janaszek "Bolek".


Croquis de la situation du groupement "Radosław" le 15 août 1944 réalisé par le major "Bolek"

         Dans la nuit du 21 au 22 août, une attaque est menée en direction de la Gare de Gdansk à partir de deux endroits: Żoliborz et la vieille ville. En théorie l’attaque devait amener à relier les deux quartiers. L’offensive du côté de Żoliborz commence vers 2h30. Environ 300 soldats de l’unité "Żywiciel" et 650 du groupement du major "Okon", arrivés de la Forêt de Kampinos, y participent. L’attaque commença sans une synchronisation appropriée. Les insurgés se retouvèrent pris entre les feux de la Citadelle, du train blindé, ainsi que du fort Traugutt. L’attaque du côté de la vieille ville démarra un peu plus tard, vers 3h00. 350 personnes au total y participèrent : une compagnie des bataillons "Zośka" et "Czata" et la compagnie du lieutenant "Konrad" de l’Armée Populaire. Ce fut le major "Bolek" qui dirigea l’attaque du côté de la vieille ville. Après avoir pris le stade de "Polonia", les attaquants se retrouvèrent sous les feux croisés du fort Traugutt et de la Citadelle. De plus, ils furent attaqués par un feu latéral du fort Legionów ainsi que du côté des ruines du ghetto. Les unités essuyèrent de lourdes pertes et au petit matin furent obligées de se retirer sur leurs positions de départ. L’attaque se solda par un échec total. Les pertes du côté des insurgés atteignirent environ 500 personnes tuées ou blessées. L’espoir de relier la vieille ville et Zoliborz s’évanouit. L’une des raisons de la défaite fut une attaque trop précipitée et le manque d’experience des unités des bois à combattre en ville. Les attaques bilatérales furent menées de façon non coordonnée. La liaison de Zoliborz avec la vieille ville fit défaut. La liaison radio de "Wachnowski" avec "Żywiciel" se fit indirectement, à travers la centrale radio du Commandant Suprême à Stanmoor près de Londres.
         Durant ce temps, le commandement du groupement se déplace de la rue Mławska, c’est à dire à 60 mètres de la ligne de défense, dans la rue Koźla 7. Le 25 août à environ 10h00 un obus de mortier ferroviaire lourd atteint le bâtiment dans lequel stationne le commandement du groupement. Les plus lourdement blessés sont le major "Bolek", à qui l’explosion arracha pratiquement tout le mollet, et le capitaine "Sawa" (Mieczysław Kurkowski) qui perd un pied. Egalement 4 femmes agents de liaison sont grièvement blessées tandis que le capitaine "Horodyński" souffre de contusions. Les blessés sont évacués à l’hôpital de campagne dans le bâtiment des Archives Centrales des Documents Anciens rue Długa 24, où "Bolek" est opéré. Pendant ce temps, la vieille ville rend son dernier souffle. Soudain, les Allemands firent irruption dans le bâtiment de l’hôpital. Des scènes dantesques eurent lieu lorsque les bandits du groupe de Dirlewanger commencèrent à abattre les blessés polonais. Cependant à l’hôpital se trouvaient également des SS-mans blessés qui, étant soignés auparavant par les médecins et les infirmières polonais, prirent la défense des Polonais. Peu après les insurgés ont repris le contrôle de l’hôpital.
         L’étau allemand autour de la vieille ville se resserra systématiquement. Les unités du groupement "Radosław" se replièrent du côté de la Place des Krasiński où se trouvait une bouche d’égouts servant à l’évacuation. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, une partie du bataillon "Zośka" en rangs réguliers traverse les positions allemandes dans le Jardin Saski et atteint les positions polonaises près de la rue Zielona. Le reste du groupement, dans la nuit du 1er au 2 septembre, passe par les égouts de la Place des Krasinski à Nowy Świat près de la rue Warecka. Avec eux sont évacués les plus lourdement blessés : le major "Bolek" et le capitaine "Sawa". Ils sont portés sur des civières par des volontaires juifs libérés de Gesiowka par le bataillon "Zośka". Les blessés ne se rendent pas compte de l’enfer de la traversée des égouts. Les deux sont inconscients et souffrent d’une forte fièvre. Ils sont récupérés avec leurs soldats dans la bouche d’égout rue Warecka.
         Les restes du groupement, après 2 jours de repos, sont dirigés vers l’enclave de Czerniakow pour la suite de l’itinéraire meurtrier. Les deux hauts officiers blessés sont quant à eux évacués vers un hôpital de campagne relativement éloigné rue Drewniana 8, dans le quartier de Powiśle, situé dans un bâtiment d’école. Pourquoi cette décision incompréhensible? Non loin se trouve pourtant un hôpital rue Konopczyński 7. La pagaille ou la mauvaise volonté? La chef des agents de liaison du groupement, le capitaine "Irma" (Anna Mazurkiewicz), immédiatement après avoir reçu l’information sur les deux blessés envoie une patrouille sanitaire avec ordre de les ramener. Mais malheureusement il est déjà trop tard. Powisle subit un puissant assaut allemand qui a pour but de couper le centre ville de la Vistule. Le 6 et le 7 septembre Powiśle se rendit. L’hôpital rue Drewniana se retrouva dans les mains des Allemands. Les blessés légers furent évacués auparavant. Les blessés graves restèrent. D’après les témoignages, ce serait le médecin en chef qui qurait suspendu l’évacuation complète de l’hôpital. Sa mère très malade se trouvant dans l’hôpital, il craignait pour sa vie lors de l’évacuation.
         Les insurgés blessés se débarassèrent des barssards et des casques. Aux yeux des Allemands on fit passer l’hôpital pour un établissement civil. Ils semblèrent le croire mais dès le lendemein ils lancèrent, soit disant par erreur, une grenade au premier étage ou se trouvaient les lits. Le personnel de l’hôpital traîna les blessés dans les sous-sols ou on les plaça sur des paillasses par terre. C’est l’infirmière Romana Kurkowska, l’épouse du capitaine Sawa, qui soigna „Bolek” et „Sawa” lui-même. C’est rue Drewniana que "Bolek" subit une seconde opération. La plaie cicatrisa bien ce qui laissa espérer une guérison complète.
         Dans l’incertitude, l’hôpital fonctionna au milieu de ce « no man’s land ». D’après les relations des témoins, ce fut un soldat de la Wehrmacht qui veilla en quelque sorte sur l‘hôpital, un Silésien qui ramena de la nourriture et qui rassura les patients en disant que bientôt des Russes allaient arriver et ils seraient libres. Cette situation dura jusqu’au 27 septembre. Ce jour là, lorsque Mokotow capitula, et on procéda au massacre de prisonniers insurgés désarmés rue Dworkowa, vers 14h00 des soldats du groupe de combat de SS-Gruppenführer Heinrich Reinefarth firent irruption dans l’hôpital. Au milieu des hurlements et des coups ils ordonnèrent au personnel de quitter le bâtiment et se mettre face au mur dans la cour. Ils descendirent ensuite dans les sous-sols ou se trouvaient les blessés: on entendit des coups de feu... Lorsque les assassins remontèrent dans la cour, les canons de leurs armes fumaient encore. En hurlant : "On va faire ici un crématorium" – les criminels allèrent trouver deux infirmières dans une cabane de la cour et les abattirent. Pendant ce temps Romana Kurkowska qui continua à prendre soin de son mari et du major W. Janaszek descendit au sous-sol pour voir ce qui advaint des blessés. Une vue horrible se montra à ses yeux. Tous les blessés avaient été exécutés. Au-dessus de chaque tête de lit il y avait des taches de sang. Le capitaine Kurkowski "Sawa", qui se trouvait à côté de l’entrée fut tué comme premier. Sa tête était une bouillie car les assassins tiraient avec des armes lourdes (après la libération on retrouva au sous-sol des douilles de 9 mm). Le major Wacek Janaszek "Bolek" était étendu sur la seconde paillasse dans le rang. L’un des insurgés dut probablement s’arracher à sa paillasse au dernier moment pour courir dans un petit couloir menant à la cuisine, car c’est là bas qu’on retrouva son corps. Romana Kurkowska essaya d’enlever de la main de son mari les objets chers à son coeur : l’alliance et la montre. Mais l’Allemand qui apparut dans le sous-sol ne la laissa pas faire. Parmi les tués, il y eut également un jeune insurgé blessé de la compagnie "Genowefa" du bataillon "Gustaw-Harnaś' - Konrad Eryk Lisiecki "Pistolet". A côté de lui gisait sa mère, Nadzieja Lisiecka, également assassinée, qui prenait soin de lui et qui avait essayé de retenir les assassins.
         Après l’exécution, les cadavres furent aspergés d’essence et brûlés. Le personnel de l’hôpital se tenait toujours contre le mur en attendant l’exécution. Juste avant, un officier allemand apparut qui suspendit l’exécution. Les rescapés furent emmenés avec avec d’autres civils.
         En novembre 1944, quelques mois après la défaite de l’insurrection, le frère du garçon assassiné à l’hôpital rue Drewniana, Jerzy Lisiecki, lui-même insurgé de la compagnie "Genowefa", pseudonyme "Jerzy II" et qui réussit à échapper à la prison vint de Pruszkow à Varsovie avec une charrette sous prétexte de récupérer des outils dans un atelier du centre. Connaissant le lieu du massacre par des témoins, il alla rue Drewniana. Les corps carbonisés des victimes gisaient toujours sur place. Ils étaient pratiquement méconnaissables. Il reconnut sa mère, une demi-Grecque, par ses beaux cheveux avec une mèche caractéristique de cheveux gris qu’elle avait depuis qu’elle était jeune. Ce n’est qu’en fevrier 1945, après la libération de Varsovie que les corps des victimes furent mis en terre dans une tombe commune provisoire de l’autre côté de la rue Drewniana.
         En mai 1945, leurs familles se réunirent autour de la tombe ouverte. On exhuma les restes dans un état de décomposition avancée que les familles identifièrent d’après les restes de vêtements ou la dentition et qu’ils reconnurent comme ceux de leurs proches. On mit ces restes dans des bières pour les transporter. Deux corps inectricablement liés furent identifiés par les deux veuves comme ceux de "Bolek" et de "Sawa". C’est probablement l’explosion d’une grenade jet’e entre les corps aspergés d’essence qui les mit dans cette étreinte. Les veuves décidèrent que leurs époux, amis du temps où ils furent vivants, reposeraient dans une tombe commune après la mort.
         Après cette opération morbide, un long convoi de charrettes s’ebranla pour rejoindre le cimetière militaire de Powazki. Un peu plus tard, de Czerniakow, partit pour son dernier voyage l’un des subordonnés du major „Bolek” du bataillon "Zośka", le chef scout capitaine Andrzej Romocki "Morro", porté par ses amis du bataillon.

Epilogue


         Le major diplômé des sapeurs, Wacław Janaszek "Bolek" disparut avant son 41e anniversaire. Il laissa une veuve de 28 ans, une fille de 14 ans (de son premier mariage) et un fils d’un an et demi. Il fut promu post mortem au grade de lieutenant- colonel des sapeurs. Pour ses mérites et ses vertues de soldat il fut distingué trois fois par la Croix de la Vaillance et, post mortem, par la Croix d’Argent (Ve classe) de l’Ordre de la Guerre Virtuti Militari (no 13005 ordre 512/BP du 2.10.1944 r.). Son nom figure sur la plaque commémorative à l’église St Antoine rue Senatorska 31 et sur le Mur de la Mémoire au Musée de l’Insurrection de Varsovie. En 1965, son fils Maciej dévoila une plaque commémorative sur le mur de l’école élémentaire no 41, rue Drewniana 8, où se trouva durant l’insurrection l’hôpital de campagne.




Vue d’avant la guerre (de la collection de Whatfor)

vue actuelle

plaque commémorative

Ecole rue Drewniana 8


         Le lieutenant-colonel "Bolek" et le major "Sawa" (promu post mortem) reposent ensemble au Cimetière Militaire de Powazki, dans le quartier du bataillon "Miotła" 24A.




etat d’origine
   
état actuel

Le tombeau du lieutenant-colonel Wacław Janaszek "Bolek" et du major Mieczysław Kurkowski "Sawa"



Garde d’honneur sur la tombe des pères en 1959; de gauche à droite Mietek Kurkowski et Maciek Janaszek

         A côté se trouvent les tombeaux du major Władysław Mazurkiewicz "Niebora", du général Jan Mazurkiewicz "Radosław" et du capitaine Marianna Mazurkiewicz "Irma".


Les tombeaux des Mazurkiewicz dans le quartier du bataillon "Miotły"; de gauche à droite : le major Franciszek Mazurkiewicz "Niebora", le général Jan Mazurkiewicz "Radosław", le capitaine Marianna Mazurkiewicz "Irma"

         A quelques mètres de là se trouve un obelisque sobre érigé à la mémoire des héros morts durant l’occupation et l’Insurrection de Varsovie, avec une croix Virtuti Militari et l’inscription poignante "Gloria Victis" - "Gloire aux vaincus".




état d’origine

état actuel

monument Gloria Victis dans le quartier des insurgés au cimetière militaire


         Deux commandants de « Kedyw » du Commandement général de l’Armée de l’Intérieur, les supérieurs directs de "Bolek", connurent un triste sort durant les sombres années de l’après guerre.


Le général Emil August Fieldorf "Nil"

         Le général Emil August Fieldorf "Nil", arrêté sous un faux nom en mars 1945 fut déporté sans être reconnu dans un camp de la NKWD à l’intérieur de la Russie où il resta jusqu’en 1947. Après son retour au pays, il fut à nouveau arrêté par les services de sécurité en 1949. Condamné à mort dans un procès bidon, il fut executé le 24 février 1953 dans la prison de Mokotow à Varsovie. A ce jour on ne sait pas où se trouve sa dépouille. Il fut réhabilité après sa mort en 1957. Son tombeau symbolique, mis en place en 1972 à l’initiative du ministre de la défense nationale de l’époque, le général Wojciech Jaruzelski, se trouve dans le quartier 14A au cimetière militaire de Powazki.





Le tombeau symbolique du général Emil Fieldorf "Nil" au cimetière militaire


         Le général Jan Mazurkiewicz "Radosław" fut arrêté par les services de sécurité le 1er août 1945.


général Jan Mazurkiewicz "Radosław"

         Après un bref séjour en prison, il fut libéré. Il publie un appel aux soldats de l’Armée de l’Intérieur pour les inciter à quitter la clandestinité. Le 4 février 1949 il est de nouveau arrêté et il reste à la prison de Mokotow jusqu’en 1956. Il sort grâce à une amnistie. Réhabilité en 1957.
         Le commandant adjoin de « Kedyw » du Commandement Général de l’Armée de l’Intérieur, le colonel Franciszek Niepokólczycki "Teodor", fut arrêté par les services de sécurité en octobre 1946.




colonel Franciszek Niepokólczycki "Teodor"

photographie du procès parue dans la presse

         Condamné à mort, il voit sa peine commuée en prison à vie. Il resta emprisonné jusqu’en 1956. Libéré après le « dégel » en décembre 1956.
         Le 2 octobre 1979, le lieutenant-colonel Wacław Janaszek "Bolek" reçoit post mortem une l’insigne commémoratif du groupement "Radosław".


Distinction du groupement "Radosław" de l’Armée de l’Intérieur

         Le 8 février 2002, plusieurs dizaines d’années après la distinction officielle en 1944, son fils Maciej reçoit officiellement l’Ordre Virtuti Militari au Bureau des Combattants.






Certificat de vérification, diplôme décerné par le chapître de l’Ordre, et l’attestation de l’ordre Virtitu Militari Ve classe décerné au lieutenant-colonel Wacław Janaszek "Bolek"



Directeur du Departement Militaire du Bureau des Combattants et des Personnes Persecutées, lieutenant-colonel Jerzy Kozłowski, remet à Maciej Janaszek la Croix d’Argent de l’Ordre de la guerre Virtuti Militari, décerné à son père Wacław

         En 2004, l’ancien rond-point Babka à Varsovie, situé non loin de la Gare de Gdansk reçoit le nom de rond-point des Soldats de l’Armée de l’Intérieur du groupement "Radosław". Le 10 août 2004, lors du 60e anniversaire de l’Insurrection, près du rond point est dévoilée une plaque commémorative très attendue consacrée aux soldats du groupement "Radosław". Lors d’un apel des morts, parmi les soldats du groupement est nommé le lieutenant-colonel Waclaw Janaszek "Bolek".

rédaction: : Maciej Janaszek-Seydlitz
Halina Janaszek-Ivaničkova

         P.S. Le sort de l’hôpital rue Drewniana 8, dirigé par le docteur Staszewski demeure mysterieux. On connaît uniquement les noms des 6 victimes enterrées à Powazki au Cimetière Militaire. Ce sont: "Bolek", "Sawa", Nadzieja et Konrad Lisiecki et Maria et Irena Grabusiński. Les corps des autres personnes assassinées, sortis durant l’exhumation au printemps 1945, furent enterrés dans trois gros cercueils en tant qu’inconnus dans un tombeau commun dans le quartier 22A (à côté de la tombe de K.K. Baczyński), ou reposent également les Lisiecki et les Grabusiński.






Tombeau commun des gens assassinés à l’hôpital rue Drewniana 8


         Durant plusieurs dizaines d’années qui se sont écoulées depuis la tragédie de l’école rue Drewniana, personne ne réclama les corps. Nous ne savons pas si la liste des malades de l’hôpital fut retrouvée.
         Peut-être que quelqu’un lisant ces lignes pourra apporter du nouveau dans cette affaire.


         *Zaolzie (Trans-Olza) – terrains conflictuels entre la Pologne et la Tchécoslovaquie au-delà du fleuve Olza. Anciens territoires du duché de Cieszyn en Haute Silésie, habités essentiellement par une population polonaise, ils furent arbitrairement partagés entre la Pologne et la Tchécoslovaquie lors de la conférence de Spa en 1920. En 1938 la Pologne a annexé la partie tchèque de Zaolzie.
         ** Sanacja – (lit. Guérison, cure) mouvement politique en Pologne mis en place après le coup d’Etat du maréchal Jozef Pilsudski en 1926. Il se caractérisait par une primauté d’intérêts nationaux, une opposition à la démocratie parlementaire et était en faveur d’un gouvernement authoritaire.
         *** Gouvernement Général - nom donné à l'administration d'une partie du territoire polonais, occupé par le Troisième Reich en septembre 1939 et constituant une partie autonome de la Grande-Allemagne (d’après Wikipedia).
         **** Szare Szeregi (Les rangs gris)- nom de guerre de l’Union des Scouts Polonais qui faisaient partie de l’Etat clandestin polonais et étaient engagés dans la lutte armée.


traduction : Anna Riondet



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